Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 2, 1855.djvu/138

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dans la jeune première sa fille, que le premier comique tenait sous sa domination depuis trois ans. La mère, d’abord assez flattée de voir sa fille en belle robe lamée, coiffée comme une duchesse, ayant des bas à jour, des souliers de satin, et applaudie à son entrée, avait fini par lui crier de sa place :

— T’auras de mes nouvelles, assassin de ta mère !… Je saurai si de méchants cabotins ont le droit de venir débaucher des filles de treize ans !…

Elle voulut guetter sa fille à la sortie, mais la jeune première et le premier comique avaient sans doute sauté par-dessus la rampe et s’en allèrent dans le gros du public, au lieu de sortir par la porte du théâtre, où la veuve Cardinal et la mère Mahoudeau sa bonne amie, firent un tapage infernal que deux gardes municipaux apaisèrent. Cette auguste institution, devant qui les deux femmes abaissèrent le diapason de leurs voix, fit observer à la mère qu’à seize ans, sa fille avait l’âge du théâtre, et qu’au lieu de crier à la porte après le directeur, elle pouvait le citer à la justice de paix ou à la police correctionnelle, à son choix.