Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 2, 1855.djvu/142

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une main couverte du lichen qui se voit sur les granits, et il tendait le chapeau classique, crasseux, à larges bords, rapetassé, dans lequel tombaient d’abondantes aumônes. Ses jambes entortillées dans des linges et des haillons, traînaient d’effroyables sparteries en dedans desquelles il adaptait d’excellentes semelles en crin. Il se saupoudrait le visage d’ingrédients qui simulaient des taches de maladies graves, des rugosités, et il jouait admirablement la sénilité du centenaire. Il eut cent ans à compter de 1825, et il en avait réellement soixante-dix. Il était le chef des pauvres, le maître de la place, et tous ceux qui venaient mendier sous les arcades de l’Église, à l’abri des persécutions des agents de police et sous la protection du suisse, du bedeau, du donneur d’eau bénite et aussi de la Paroisse, lui payaient une espèce de dîme. Quand, en sortant, un héritier, un marié, quelque parrain, disait : -- Voilà pour vous tous, et qu’on ne tourmente personne, Poupillier, désigné par le suisse, son successeur, empochait les trois quarts des dons et ne donnait qu’un quart à ses acolytes, dont le tribut s’élevait à un sou par jour. En 1820, l’avarice et sa passion pour le bon vin