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Chesnel, à madame du Croisier, en l’absence de son mari. Madame du Croisier, ignorante en ces sortes d’affaires, avait serré la somme sans en rien dire à son mari. Cette erreur avait fait tout le mal. M. du Croisier avait trop ardemment saisi l’occasion de perdre une famille qu’il haïssait. L’instruction, conduite dans ce sens, amenait la mise en liberté sous caution du jeune comte.

Le juge d’instruction ne pouvait rien ; cette affaire regardait le tribunal et non lui ; M. du Ronceret y était puissant, il fallait être sûr de l’opinion de deux autres juges qui, avec la sienne, emporteraient la majorité. Le groom s’avança, dit au juge, qui elle était, sortit de sa poche une lettre qu’elle déplia, la lui fit lire en la gardant serrée entre ses doigts mignons. Après lecture, le juge fut disposé à faire tout ce qui ne serait pas contre sa conscience. Mais il ne pouvait rien sans l’aide de deux autres juges. Il fallut remettre au soir les démarches décisives. À midi, Monseigneur et mademoiselle Armande étaient à l’hôtel d’Esgrignon, où le charmant tigre couché par les soins de Chesnel se reposait de ses fatigues à l’insu du marquis.

Du Croisier, appelé entre une heure et deux chez le juge d’instruction, fut interrogé sur trois points. L’effet argué de faux ne portait-il pas sa signature ? Avait-il eu, avant cet effet, des affaires avec M. le comte d’Esgrignon ? M. le comte d’Esgrignon n’avait-il pas tiré sur lui des lettres de change avec ou sans avis ? Puis Chesnel n’avait-il pas plusieurs fois déjà soldé ces comptes ? Enfin, du Croisier n’avait-il pas été absent à telle époque ? Toutes ces questions furent résolues affirmativement par du Croisier. Quand elles furent consignées au procès-verbal, le juge termina par cette foudroyante interrogation : savait-il que l’argent de l’effet argué de faux avait été déposé chez lui cinq jours avant la date de l’effet ? Cette dernière question mit du Croisier en défiance contre le juge, auquel il demanda ce que signifiait un pareil interrogatoire, en faisant observer que, si les fonds avaient été chez lui, il n’eût pas rendu de plainte. Le juge le renvoya sans répondre : la justice s’éclairait, voilà tout. Chesnel avait déjà comparu pour expliquer l’affaire. La véracité de ses assertions fut corroborée par la déposition de madame du Croisier. Le juge fit comparaître le comte d’Esgrignon qui produisit la première lettre par laquelle du Croisier lui avait écrit de tirer sur lui, sans lui faire l’injure de déposer les fonds chez lui. Puis, soufflé par Chesnel, il produisit une lettre que Chesnel lui aurait écrite en le prévenant du versement des cent mille écus chez M. du Croisier. Avec de pareils éléments, l’innocence du jeune comte devait triompher devant le tribunal.

Pour éviter la colère de son mari, madame du Croisier s’était enfuie au Prébaudet, suivie de l’abbé Couturier, qui lui assurait qu’elle était une sainte, et que plus elle souffrirait pour cette cause, plus elle serait agréable à Dieu.

Voici les divisions de cette version :

1. Les deux salons.
2. Une mauvaise éducation.
3. Début de Victurnien.
4. La belle Maufrigneuse.
5. Chesnel au secours des d’Esgrignon.