Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/297

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mement son bonnet. Brosse vite mon uniforme, sors mon schako, décroche mon fourniment. Voilà de la besogne.

— Dieu de Dieu ! que vous êtes audacieux, monsieur Bonnichon ! Dire qu’à votre âge que vous soyez ainsi susceptible d’émeutes. Que c’est hétérogène ! Qu’avec ça, dans les émeutes, on peut faire des mauvaises connaissances, et que chacune vous revient toujours à quinze francs d’extra, l’une dans l’autre.

— Que veux-tu, bobonne ! quand on est sergent de la meilleure des républiques, il faut faire son devoir. Une supposition qu’il n’y aurait plus d’ordre public, vois-tu, il n’y aurait plus de garde nationale. C’est sûr. Eh bien, moi, je ne dois pas souffrir qu’on menace l’ordre public, parce que mon uniforme m’a coûté cent soixante-quinze francs cinquante centimes, et que, s’il n’y avait plus de garde nationale, mon uniforme ne me servirait de rien… Et puis, il faut que je tâche de mériter la croix d’honneur qu’on m’a donnée il y a deux mois.

— Adieu, mon pauvre chat !

— Adieu, chérite ! Ne sois pas inquiète va ; j’enverrai le tambour te donner de mes nouvelles.

(Par la croisée.) — Bonnichon ! Bonnichon !!

— De quoi, bobonne ?

— Attends donc une minute. Que tu cours comme un étourdi, que tu as oublié ton fusil, que voilà ton fils qui te le descend, avec un morceau de sucre et un mouchoir blanc.

Rue St-Denis.

M. Bonnichon, avec sa compagnie, devant un rassemblement. — Messieurs les perturbateurs, voudriez-vous bien, je vous prie, avoir l’obligeance de vous évanouir, s’il vous plaît ? Votre présence coupable gêne ici le cours du commerce et des omnibus. Retirez-vous donc vous-mêmes, estimables perturbateurs ; autrement, vous me forceriez à vous y sommer.

Une voix. — Qui donc qui parle d’assommer ?

Un ouvrier. — Si nous nous retirons, aurons-nous de l’ouvrage ?

Un ivrogne. — Diminuera-t-on l’impôt vineux ?

M. Bonnichon. — Messieurs, la force non armée ne délibère pas, je ne puis en entendre davantage…

Ici, un pot de fleurs couvre la tête et la voix de M. Bonnichon.
Une chambre à coucher.

M. Bonnichon, au lit. (On lui pose les sangsues.) — Comment, bobonne, pendant que, là-bas, j’étais martyr de ma cause, on est venu piller ma boutique ? Faire de l’ordre public, et perdre ses bonnets de coton ! c’est dur !… Mais tu ne leur as donc pas dit que j’étais sergent de la meilleure des républiques ?…

— Ça ne prend pas.