Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/177

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dame Vauquer à madame Couture ; je ne m’ennuierais jamais avec lui.

Au milieu des rires et des plaisanteries dont ce discours comiquement débité fut le signal, Eugène put saisir le regard furtif de mademoiselle Taillefer, qui se pencha sur madame Couture, à l’oreille de laquelle elle dit quelques mots.

— Voilà le cabriolet, dit Sylvie.

— Où dîne-t-il donc ? demanda Bianchon.

— Chez madame la baronne de Nucingen.

— La fille de monsieur Goriot, répondit l’étudiant.

À ce nom, les regards se portèrent sur l’ancien vermicellier, qui contemplait Eugène avec une sorte d’envie.

Rastignac arriva rue Saint-Lazare, dans une de ces maisons légères, à colonnes minces, à portiques mesquins, qui constituent le joli à Paris, une véritable maison de banquier, pleine de recherches coûteuses, de stucs, de paliers d’escalier en mosaïque de marbre. Il trouva madame de Nucingen dans un petit salon à peintures italiennes, dont le décor ressemblait à celui des cafés. La baronne était triste. Les efforts qu’elle fit pour cacher son chagrin intéressèrent d’autant plus vivement Eugène qu’il n’y avait rien de joué. Il croyait rendre une femme joyeuse par sa présence, et la trouvait au désespoir. Ce désappointement piqua son amour-propre.

— J’ai bien peu de droits à votre confiance, madame, dit-il après l’avoir lutinée sur sa préoccupation ; mais si je vous gênais, je compte sur votre bonne foi, vous me le diriez franchement.

— Restez, dit-elle, je serais seule si vous vous en