Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/58

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coiffant de sa large main Christophe, qu’il fit tourner sur lui-même comme un dé, tu auras un bon pourboire.

Le couvert était mis. Sylvie faisait bouillir le lait. Madame Vauquer allumait le poêle, aidée par Vautrin, qui fredonnait toujours :

J’ai longtemps parcouru le monde,
Et l’on m’a vu de toute part…

Quand tout fut prêt, madame Couture et mademoiselle Taillefer rentrèrent.

— D’où venez-vous donc de si matin, ma belle dame ? dit madame Vauquer à madame Couture.

— Nous venons de faire nos dévotions à Saint-Étienne du Mont ; ne devons-nous pas aller aujourd’hui chez M. Taillefer ? Pauvre petite, elle tremble comme la feuille, reprit madame Couture en s’asseyant devant le poêle, à la bouche duquel elle présenta ses souliers qui fumèrent.

— Chauffez-vous donc, Victorine, dit madame Vauquer.

— C’est bien, mademoiselle, de prier le bon Dieu d’attendrir le cœur de votre père, dit Vautrin en avançant une chaise à l’orpheline. Mais ça ne suffit pas. Il vous faudrait un ami qui se chargeât de dire son fait à ce marsouin-là, un sauvage qui a, dit-on, trois millions, et qui ne vous donne pas de dot. Une belle fille a besoin de dot dans ce temps-ci.

— Pauvre enfant ! dit madame Vauquer. Allez, mon chou, votre monstre de père attire le malheur à plaisir sur lui.

À ces mots, les yeux de Victorine se mouillèrent de