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ÉSOPE

Et devant son beau front, par la lyre vanté,
Où la clarté se pose
Mon désir palpitant frissonne, épouvanté
De frôler cette rose.

Nuit, ô sombre Mort, douces toutes les deux,
Amantes éternelles,
Venez. Ayez pitié de l’esclave hideux,
Prenez-moi sous vos ailes.

(Voyant le Roi qui vient, avec Rhodope).

Pourvu que ma rougeur n’aille pas me trahir !
Ils viennent, lui, ce Roi que je ne puis haïr
Et là, tout près de lui, cette femme adorable
Que sans cesse poursuit mon rêve. — Ah ! misérable !

(Le Roi s’assied. Ésope sans approcher et sans changer de place s’agenouille tourné vers lui).



Scène quatrième


CRÉSUS, RHODOPE, ÉSOPE
Ésope, s’agenouillant.

Mon Roi !

(Le Roi d’un geste ami lui fait signe d’approcher).
Crésus

Mon Roi ! Lève-toi. Viens. Que n’as-tu pas fait pour
Ton Roi ! Depuis un mois, te voilà de retour,
Et je me sens heureux de te retrouver, comme
Au premier jour. Tu fus en effet plus qu’un homme.
Tu restas loin de nous deux ans, oui seulement
Deux ans, et la Lydie, en proie à son tourment
Renaît heureuse, après de si pénibles veilles.
Cher Ésope, en si peu de temps, que de merveilles !
Érythres, Clazomène et la belle Nysa
Mouraient du mal qui, si longtemps, les épuisa ;