Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
le baiser

Pierrot.

Bien. Terre et cieux ! Quelle est cette métamorphose ?
Ô doux cheveux ! regards chatoyants ! bouche rose !
Oh ! comme tu fis bien d’avoir demandé mon
Baiser ! Dis-moi, qui donc es-tu, joli démon,
Belle reine, de feux et de perles coiffée,
Étoile, rayon, fleur, astre !

Urgèle.

Étoile, rayon, fleur, astre ! Je suis la fée
Urgèle. Un enchanteur qui me faisait la cour,
Pour me punir d’avoir repoussé son amour,
M’avait ainsi changée en une affreuse vieille.
Mais je renais avec ma beauté. Je m’éveille.
Oui, le prodige si follement amer, si
Cruel, n’existe plus, et je te dis merci.
Papillon, ma prison funèbre se déchire.
Je ne suis plus que joie, orgueil, espoir, sourire ;
Car sur la verte mousse et dans ces bois épars,
Ton baiser m’a rendu la jeunesse, et je pars !

Pierrot.

Vous me remerciez, madame ! C’est, je pense.
Faire un gros sacrifice et vous mettre en dépense.
Et… vous partez. Comment avez-vous dit cela ?
Donc, après que sur vous Jouvence ruissela,
Vous partez ! Ah ! rions de cette moquerie.
Ce serait de la pure et simple escroquerie,