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Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/309

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le baiser

Pierrot, regardant en l’air.

Elle s’est envolée. Oh ! loin ! À tire-d’aile !
Et fuit, toute petite, ainsi qu’une hirondelle.
C’est donc fini de rire, et je ne la verrai
Plus jamais. Nevermore. Oui, c’est trop avéré.
Que faire ? Au fait, c’est bien simple. Je vais me pendre,
Entrer dans l’insondable avec mon âme tendre,
Et choisissant mon arbre, où la feuille bruit,
Je m’installerai dans ses branches, comme un fruit.
Avec mes blancs habits je vais tresser ma corde ;
C’est une occasion que le hasard m’accorde.
Je pourrai donc ainsi — projet longtemps rêvé !
Accomplir mon destin dans un poste élevé,
Et quittant Viroflay, pays dont je fus l’hôte,
Planer au sein des airs, comme un aéronaute.
Puis, j’entendrai courir ce dicton, répandu
Parmi tout l’univers : Voyez Pierrot pendu !

Après une réflexion rapide.

Mais, en effet, doit-on voir Pierrot pendu ? — L’être,
Ou ne pas l’être, c’est la question. Le maître
Enfin, c’est moi. Prenons moins vite mon parti.
Je ne reviendrai pas, quand je serai parti.

Venant sur l’avant-scène et regardant la salle.

Attendez donc ! Je vois ici, dans cette salle,
Qui du paradis même est une succursale,
Des roses, des cheveux riants, des tas de lys !
Oui, tout ce que Virgile admirait chez Phyllis,