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le sang de la coupe

Grâce à votre valeur dans les enfers vantée,
Ce sont partout des morts broyés par des essieux.
La prunelle du jour contemple, épouvantée,
Tout ce sang répandu qui hurle vers les cieux ;

Et de vos ennemis exterminant le reste,
Nourrice de l’Hadès, effroi des nations,
Quand vous êtes passés, la Famine ou la Peste
Vomit derrière vous des imprécations.

Donc, engraissez les champs d’hécatombes humaines !
Soyez comme les loups au milieu d’un bercail !
Que le sang coule à flots dans les gorges des plaines,
Et que vos noirs chevaux en aient jusqu’au poitrail !

Entrez dans Ilios au bruit de la tempête,
Par une nuit d’orage où, pour guider vos rangs,
Les rochers des grands monts rouleront sur sa tête,
Et débordez sur elle avec les noirs torrents !

Qu’on croie entendre aux cieux les astres se dissoudre
En écoutant monter vos clameurs dans les airs !
Que vos cris furieux fassent taire la foudre,
Et que votre incendie éteigne les éclairs !

Sur ces riches palais, ces maisons et ces porches
Où plane un air brûlant et pestilentiel,
Ainsi que des démons qui font voler des torches,
Secouez dans vos mains les colères du ciel !