Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
le sang de la coupe

Les ruisseaux et les fleurs, le bosquet souriant
Et toute la Nature
Trembla de jalousie et de honte en voyant
Sa beauté calme et pure.

Le chêne, et sous ses pieds les myosotis bleus,
Jouets du vent rebelle,
Dirent en inclinant leurs fronts baignés de feux :
Mourons, elle est trop belle !

Mourons ! dirent aussi dans leurs nids querelleurs
Les colombes éprises,
Puisque ses petits pieds, sans offenser les fleurs,
Volent comme des brises !

Le saule dit : Mourez, feuilles des tristes vœux,
Le long de mes épaules,
Puisque le vent du soir aime mieux ses cheveux
Que les cheveux des saules !

Fanez-vous, ô mes fleurs, dirent les fiers rosiers,
Puisqu’en ses lèvres closes
Sa bouche a des parfums dont sont extasiés
Les calices des roses.

Tombez, dirent les lys, ô blanches fleurs des rois !
Les pâles avalanches
Ont des taches auprès de vos pétales droits,
Mais ses dents sont plus blanches !