Il nous rendait Properce et Tibulle et ce doux
Catulle, et ses chansons apprivoisaient des loups.
Au tiède renouveau, sous la verdure tendre
Cythérée amenait son enfant pour l’entendre.
Comme un rouge Soleil entouré d’astres d’or
Il régnait, et, charmeur d’âmes, volait encor
Le Sonnet et la rime enflammée à Pétrarque ;
Et par lui, ravissant l’inexorable Parque,
Victorieuse, comme en un festin d’amour
Le vin de pourpre emplit un vase au pur contour,
L’âme française entra dans les mètres d’Horace
Élégants et précis. Voilà comment la race
D’Orphée, ainsi qu’un vol d’abeilles au doux miel,
Arriva jusqu’à nous des profondeurs du ciel.
Mais bien avant que sur la terre émerveillée
L’Ode aux cris éclatants ne se fût réveillée,
Un homme colossal, une lyre à la main,
Se leva pour chanter un combat surhumain.
Comment dire ton nom, ton nom, géant Homère !
Qui dominas du front cette Grèce ta mère,
Et qui, roulant tout bas, spectre pâle et hagard,
Ta prunelle d’azur, sans flamme et sans regard,
Laissas couler un jour de ta main gigantesque
Toute l’Antiquité, comme une grande fresque !
Où sont tes Dieux ravis dans l’éblouissement
Et tes héros plus grands que tes grands Dieux ? Comment
Donnerai-je à mon vers une assez forte haleine
Pour chanter les héros et le chanteur d’Hélène ?
Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/39
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