Qui t’instruisait, ô Roi ? Quels secrets épiés
T’apprirent ces mortels qui rampaient sous tes pieds ?
Qui t’avait révélé, vieux mendiant des routes,
Le ciel éblouissant et les splendides voûtes ?
Qui t’a fait voir un jour, d’un œil épouvanté,
Le maître dans sa gloire et dans sa majesté ?
N’étais-tu pas le fils d’Apollon, dieu de Sminthe,
Qui dicte à ses enfants une suave plainte ?
Ou, dieu toi-même, un jour, l’âme pleine de fiel,
Jupiter t’avait-il précipité du ciel,
Et ne cachais-tu pas, dans ton idolâtrie,
Un souvenir lointain de ta vieille patrie ?
Nul ne le sut. Tu vins, et d’un ton compassé,
Un pied sur l’avenir, l’autre sur le passé,
Tu chantas à grands flots ces créations pures,
Fleuve où s’abreuveront les cent races futures !
Tu marchais, échangeant, fier de ta pauvreté,
Quelque repas furtif pour l’immortalité,
Disant au peuple sourd à force d’insolence :
Nation, je te voue à la nuit du silence !
Pour l’immense avenir enflant ta large voix,
Mendiant, t’asseyant à la table des rois,
Et parmi les rayons, comme un essaim farouche
Les mots harmonieux murmuraient sur ta bouche.
Dans les enchantements de tes superbes vers,
Tu mis les deux splendeurs qui charment l’univers,
La Force et la Beauté sereine, et pour éclore
Ton œuvre s’éveilla dans une ardente aurore.
Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/40
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