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LES EXILÉS


Telle Érinna, livrée à ses mâles tristesses,
Sur le rivage ému que le laurier décore
Enseignait le troupeau rêveur des poétesses,
Et l’écho de son cri jaloux me trouble encore !

Et j’ai rimé cette ode en rimes féminines
Pour que l’impression en restât plus poignante,
Et, par le souvenir des chastes héroïnes,
Laissât dans plus d’un cœur sa blessure saignante.

Ô Rhythme, tu sais tout ! Sur tes ailes de neige
Sans cesse nous allons vers des routes nouvelles,
Et, quel que soit le doute affreux qui nous assiège,
Il n’est pas de secret que tu ne nous révèles !

Tu heurtes les soleils comme un oiseau farouche.
Ce n’est pour toi qu’un jeu d’escalader les cimes,
Et, lorsqu’un temps railleur n’a plus rien qui te touche,
Tu rêves dans la nuit, penché sur les abîmes !


Septembre 1861.