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LES EXILÉS

Sont blancs aussi, naïve innocence des jeux !
Ils sont en ouate ; ils font comme un ciel nuageux
Sous le chapeau pointu qui lui ouvre le crâne,
Et c’était le joujou de la petite Jeanne.
Oh ! je vous tresse, fleurs pâles du souvenir !
Elle n’aurait pas eu la force de tenir
Ce jouet de fillette avec sa main trop tendre ;
Mais on avait trouvé cela, de le suspendre
Avec un léger fil au-dessus du berceau.
La douce enfant, tremblant de froid comme un oiseau,
En voyant la poupée essayait de sourire.
Ses deux mains y touchaient alors, chère martyre !
D’un geste maladif, vaguement enfantin,
Et l’on voyait trembler à peine le pantin.
C’est qu’elle était si faible, elle était si petite !
Pensive, elle ployait sous l’atteinte maudite
D’un mal mystérieux, privée encor de tout,
Ne pouvant ni marcher ni se tenir debout.
Pendant ce temps qu’elle a vécu, toute une année !
Elle a souffert toujours, pauvre rose fanée,
Qui frissonnait, brisée et blanche, au moindre vent.
Dans ses profonds yeux bruns brillait un feu mouvant
Et la douleur brûlait sa prunelle ingénue.
Mais, après, elle était vite redevenue
Charmante. Reposée après ce long effort,
Elle semblait dormir tranquillement. La mort
Bienfaisante, effaçant la tristesse et le hâle,
Avait rendu la grâce au doux visage pâle,