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LES EXILÉS


La Fleur de Sang


Enfant encore, à l’âge où sur nos fronts éclate
La beauté radieuse, un jour dans la forêt
Je vis un Dieu vêtu d’une robe écarlate.

Secouant ses cheveux que le soleil dorait,
Il me cria : Veux-tu m’adorer, vil esclave ?
Et je sentis déjà que mon cœur l’adorait.

Ses flèches, que tourmente une main forte et brave,
S’agitaient sous ses doigts ; le lourd carquois d’airain
Tremblait de son courroux et rendait un son grave.

Implacable, attachant sur moi son œil serein,
Il me cria : Veux-tu baiser, de cette bouche
Tout en fleur, ma chaussure et mon pied souverain ?

Je suis le Dieu sanglant, je suis le Dieu farouche,
L’âpre ennemi, le fier chasseur ailé, vainqueur
Des monstres, le cruel archer que rien ne touche ;