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LES EXILÉS


Nous avons frappé le vautour
Qui se gorgeait de sang dans les cœurs pleins d’amour ;
Nous avons crié : C’est le jour !

Eh bien, que le vulgaire en ses funèbres fêtes
Accoure aux grandeurs qu’il a faites !
Le bruit et la louange aiment les faux prophètes.

Nous, contents d’avoir mérité
Qu’elle n’ait pas pour nous un regard irrité,
Suivons la sainte Vérité !

Quand se déchirera sur le temple d’ivoire
La nuée orageuse et noire,
Elle se chargera d’éclairer notre gloire ;

Et, beaux de la haine du Mal,
Elle nous donnera son reflet triomphal
Sur le seuil du ciel idéal !

Mais, hélas ! tant d’amis perdus à la même heure !
Permets une fois que je pleure,
Muse ! car le silence envahit ta demeure.

Ce prince parmi tes amants,
Le grand Heine périt au milieu des tourments,
Les mains pleines de diamants.

Ô Déesse ! il tomba sous le laurier insigne.
Puis l’Ange implacable désigne
Musset pâle et sanglant, qui s’éteint comme un cygne.