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LES EXILÉS

Des sphères, de clartés tremblantes s’illumine,
L’auguste Aphroditè, reine de Salamine !
Grande et svelte, et naïve en son charme enfantin,
Et portant sur son front la splendeur du matin,
Ses lourds cheveux riants, dont la Nuit s’épouvante,
Étaient comme la mer de feux éblouissante.
Son corps, nu, vigoureux, comme un grand lys éclos,
S’élançait adorable et poli sous les flots
De cette toison folle, et, triomphant sans vaines
Entraves, ses beaux seins aigus montraient leurs veines
D’un pâle azur et leurs boutons de rose ardents.
Ses cils courbés faisaient une ombre d’or. Ses dents
Ressemblaient à la neige où le soleil se pose,
Et ses lèvres de rose étaient comme une rose.
Ces lèvres, je les vis tout à coup s’entr’ouvrir
Comme une fleur au cœur brûlant qui va fleurir ;
Penchant son cou rosé, la reine de Cythère
Délicieusement regarda vers la terre.
Ses yeux humides, noirs, mystérieux, où luit
Notre désir, étaient plus profonds que la nuit,
Et, secouant ses lourds cheveux épars aux fines
Lueurs d’or, elle dit ces paroles divines :
Homme ! ce n’était pas assez d’être pareils
À toi ! nous les grands Dieux qui tenons les soleils
Dans nos mains, et, Rois faits de lumière et de flamme,
D’avoir tes yeux, ton front, ton visage et ton âme !
Ce n’était pas assez d’être pareils à toi
Par le rhythme ailé, par le chant qui t’a fait roi,