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Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/32

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LES EXILÉS


Le Sanglier


Cétait auprès d’un lac sinistre, à l’eau dormante,
Enfermé dans un pli du grand mont Érymanthe,
Et l’antre paraissait gémir, et, tout béant,
S’ouvrait, comme une gueule affreuse du néant.
Des vapeurs en sortaient, ainsi que d’un Averne.
Immobile, et penché pour voir dans la caverne,
Hercule regarda le sanglier hideux.
Les loups fuyaient de peur quand il s’approchait d’eux,
Tant le monstre effaré, s’il grognait dans sa joie,
Semblait effrayant, même à des bêtes de proie.
Il vivait là, pensif. Lorsque venait la nuit,
Terrible, emplissant l’air d’épouvante et de bruit
Et cassant les lauriers au pied des monts sublimes,
Il allait dans le bois déchirer ses victimes ;
Puis il rentrait dans l’antre, auprès des flots dormants.
Couché sur la chair morte et sur les ossements,
Il mangeait, la narine ouverte et dilatée,
Et s’étendait parmi la boue ensanglantée.