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LES EXILÉS


La Rose


Égaré sur l’Othrys après un jour de jeûne,
Le plus ancien des Dieux, l’éternellement jeune
Amour, le dur chasseur que l’épouvante suit,
Né de l’œuf redoutable enfanté par la Nuit
Aux noires ailes, vit la grande Cythérée
Dormant dans son chemin, sur la mousse altérée
Par le matin brûlant, et, pâle d’un tel jeu,
Contempla son visage et ses lèvres de feu.
La Déesse, couchée entre des rocs de marbre,
Reposait, les cheveux épars, au pied d’un arbre
Dont l’abri préservait son front de la chaleur.
Ses beaux yeux étaient clos, mais sur sa joue en fleur,
Dont leur voile exaltait l’impérieuse gloire,
Des franges de longs cils montraient leur splendeur noire.
Comme un prince jaloux qui marque son trésor,
Le soleil éperdu lançait des flèches d’or
Sur son sein éclatant d’une candeur insigne,
Et sa poitrine était de neige comme un cygne,