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LES EXILÉS

Mes flèches, et je vis vaciller à la voûte
Céleste sa lumière, et je repris ma route
Sur l’orageuse mer, dans une barque d’or.
Quand donc ai-je offensé la vertu, mon trésor ?
J’ai combattu la Mort qui voulait prendre Alceste ;
J’ai violé la nuit de l’Hadès, où l’inceste
Gémit, et j’ai marché dans le nid du vautour,
Mais pour rendre Thésée à la clarté du jour !
La femme, dont le front abrite un saint mystère,
Est la divinité visible de la terre.
Elle est comme un parfum dans de riches coffrets ;
Ses cheveux embaumés ressemblent aux forêts ;
Son corps harmonieux a la blancheur insigne
De la neige des monts et de l’aile du cygne :
Habile comme nous à dompter les chevaux,
Elle affronte la guerre auguste, les travaux
Du glaive, et comme nous, depuis qu’elle respire,
Sait éveiller les chants qui dorment dans la lyre.
C’est pour elle, qui prend notre âme sur le seuil
De la vie, et pour voir ses yeux briller d’orgueil,
Que j’allais écrasant les hydres dans la plaine,
Sachant, esprit mêlé d’azur, quelle est sa haine
Contre l’impureté des animaux rampants.
Partout, guidant ses pas sur le front des serpents,
Et cherchant sans repos la clarté poursuivie,
J’ai détesté le meurtre et protégé la vie ;
Et, calme, usant mes mains à déchirer des fers,
Quand je ne trouvais plus, entrant dans les déserts,