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LES EXILÉS

Les bandits à détruire et leurs embûches viles,
J’y tuais des lions et j’y laissais des villes !
Et si, toujours le bras armé, toujours vainqueur,
J’ai répandu le sang humain, c’est que mon cœur
Est rempli de courroux contre les impostures,
Et que je ne puis voir souffrir les créatures.
La grande Omphale avait les yeux baignés de pleurs.
Palpitante, le front tout blêmi des pâleurs
De l’amour, comme un ciel balayé par l’orage
S’éclaire, elle sentait les dédains et la rage
Loin de son cœur blessé déjà prendre leur vol
Vers le mystérieux enfer, et sur le sol
Tout brûlé des ardeurs de l’âpre canicule,
Elle s’agenouilla, baisant les pieds d’Hercule.
Elle courbait son front orgueilleux et vaincu,
Et ses lourds cheveux roux couvraient son sein aigu.
Digne race des Dieux ! vengeur, ô fils d’Alcmène,
Dit-elle, j’ai rêvé. Qui donc parlait de haine ?
Je t’ai volé cet arc pris sur le Pélion,
Tes flèches, cette peau sanglante de lion,
Et ce glaive toujours fumant, tes nobles armes.
Vois, je lave à présent tes pieds avec mes larmes.
Ces joyaux, dont les feux embrasent mes habits,
Cette ceinture d’or brillant, où les rubis
Se heurtent quand je marche avec un bruit sonore,
Sont mes armes aussi, que l’univers adore
Et qu’a su conquérir la valeur de mon bras ;
Tu peux me les ôter, ami, quand tu voudras.