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LES EXILÉS


L’Éducation de l’Amour


Quand le premier des Dieux, Amour, pendant mille ans
Eut tenu sous son joug les cieux étincelants,
La terre immense et tous les êtres qui respirent,
Las de souffrir par lui, les Immortels se dirent :
Ah ! qu’un autre vainqueur, formidable et serein,
Paraisse, armé de l’arc et des flèches d’airain ;
Qu’il porte dans un flot de flamme et de fumée
Sa torche au Phlégéton furieux allumée ;
Qu’il étende sur tous l’inflexible niveau,
Et nous respirerons sous ce maître nouveau.
Car comment sa colère, où grondera l’orage,
Pourra-t-elle égaler jamais l’aveugle rage
Du Dieu Titan, du roi funeste qui n’eut pas
De mère, et qui sema la terreur sur ses pas
Quand frémissaient encor du mot qui les sépare
Le noir Chaos, la Terre énorme et le Tartare !
Tels les Olympiens se plaignaient dans l’éther.
Bientôt d’une Déesse à l’œil limpide et fier