Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/63

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Sur le beau pavé d’or, à présent méprisés,
Gisaient partout des traits cassés, des arcs brisés
Et la chambre de jaspe avait l’air d’un vrai bouge.
Mais Aphrodite vint et se fâcha tout rouge.
Oh ! le vrai brise-fer et l’indocile enfant !
Dit-elle. Donc tu fais tout ce qu’on te défend.
C’est Massacre et Fureur que le grand ciel te nomme.
À quoi sert-il d’avoir une mère économe ?
Va, tes caprices, plus cruels que les autans,
Nous auront ruinés avant qu’il soit longtemps
Et nous mourrons de faim dans nos terres en friche.
Pour le moment, il est certain que je suis riche.
Mes domaines, trésors toujours inépuisés,
Sont tous ceux où frémit le doux vol des baisers.
J’ai Naples, dont jamais le golfe n’est morose,
Et j’ai Paris et j’ai Venise toute rose.
Mais au train dont tu vas pour me désespérer,
Je n’aurai bientôt plus que les yeux pour pleurer.
Par suite des excès farouches où tu tombes,
Je n’aurai plus de quoi nourrir mes deux colombes.
Dans ce pays qu’au ciel bleu nous assimilions,
Que me restera-t-il ? De vagues millions.
Et réduite, pleurant mon antique richesse,
À marcher sur la pourpre ainsi qu’une duchesse,