Page:Banville - Gringoire, 1890.djvu/61

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m’aime ; aussi n’est-il pas possible qu’il ait fait pour moi un choix pareil !

GRINGOIRE.

En effet, cela n’est pas possible. Mais cela est vrai, pourtant.

LOYSE.

Mais comment ce malheureux que vous me dépeignez a-t-il attiré l’attention du roi ?

GRINGOIRE.

L’attention du roi ? Vous dites bien. Il l’a attirée en effet, et plus qu’il ne voulait. Comment ? En faisant des vers.

LOYSE, étonnée.

des vers ?

GRINGOIRE.

Oui, mademoiselle. Un délassement d’oisif. Cela consiste à arranger entre eux des mots qui occupent les oreilles comme une musique obstinée ou, tant bien que mal, peignent au vif toutes choses, et parmi lesquels s’accouplent de temps en temps des sons jumeaux, dont l’accord semble tintinnabuler follement, comme clochettes d’or.

LOYSE.

Quoi ! Un jeu si frivole, si puéril, quand il y a des épées, quand on peut combattre ! Quand on peut vivre !

GRINGOIRE.

Oui, on peut vivre ! Mais, que voulez-vous, ce rêveur (et dans tous les âges il y a eu un homme pareil à lui) préfère raconter les actions, les amours et les prouesses des autres dans des chansons où le mensonge est entremêlé avec la vérité.

LOYSE.

Mais c’est un fou, cela, ou un lâche.

GRINGOIRE, bondissant, à part.

un lâche ! (haut, avec fierté.) ce lâche, mademoiselle, dans des temps qui sont bien loin derrière nous, il entraînait sur ses