Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/124

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d’oiseaux fous ou à un blanc tourbillon de neige furieuse, tombent, s’envolent, s’amassent par dizaines, par centaines, par milliers, par paquets noués de faveurs diverses, les lettres d’amour que madame Léontine y entassait depuis longtemps et depuis toujours.

Astiés en ouvre une, dix, vingt : c’est toutes des lettres de lanciers, qui appellent sa femme : « Ma petite chatte, mon petit lapin, » et « ma petite souris ! » Elle a aimé des lanciers, beaucoup de lanciers, tous les lanciers ! Sur le front et sur le visage du percepteur des contributions éclosent les lys pâles de la mort. Il tombe évanoui, comme s’il avait le cœur traversé par les lances de tous ces lanciers qui désignent sa femme par des noms d’animaux ; car, ainsi qu’il le comprend dans un dernier éclair de pensée, c’est à l’infidélité seulement qu’elle était fidèle !


LXX. — GENS DU MONDE

Plus serré et ficelé qu’une andouille de Vire dans son rigide veston, le beau, l’élégant, le divin concierge, monsieur Rodolphe Capitain, vautré dans un fauteuil en peluche brodé de fleurs de soie, caresse de ses doigts pâles sa fine barbe blonde, et fume un cigare également blond, comme la Belle aux Cheveux d’Or. Tout respire le luxe, la joie et la tranquillité du triomphe, dans la