Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/243

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du sang sur les épaules de la grande funambule. Et cet œil, il explique, il justifie tout ! Il fait comprendre que, si elle a tort de les porter à présent, il y a eu un temps où elle avait le droit de porter cette cuirasse d’argent et ce casque de guerrière ombragé de plumes affolées, couleur de rose !


43. — ROSSINI

Il a été beau, comme tous les Italiens, et en plus il avait la splendeur tranquille que le génie donne au visage humain. Un beau nez aquilin, une bouche aimable et spirituelle, un menton plein de finesse, l’air d’un Almaviva ayant l’imagination poétique, ou d’un Figaro élégant, — avec les petits favoris de l’emploi et des cheveux en toupet frisé, crânement relevés. Il était bon et superbe à voir, et gai comme un dieu. La bouche est rentrée, les yeux ont rapetissé, et toutefois la beauté régulière des traits n’a pu disparaître, ni ce sourire olympien et plein de bonhomie d’un Gulliver sublime égaré dans un canton de Lilliputiens. Quant à l’affreuse perruque si invraisemblable adoptée par Rossini, il la porte par ironie, certainement, et il semble dire aux faiseurs d’apothéose : « Voilà le coup que je vous ménageais ; tirez-vous de la comme vous pourrez ! » À coup sûr, elle n’eût pas embarrassé le grand Rubens ; mais nos peintres !