Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/26

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étrangère ni à la modernité, ni au mouvement impressionniste, s’est habillée en Japonaise, pour flatter les idées récentes ; car son esprit est un peu attardé, mais sa coquetterie, non. Les cheveux très relevés par devant, elle est coiffée d’une tiare où le cuivre jaune, l’étain, le plomb, les perles, l’argent, et l’opale aux feux langoureux ont été mêlés dans les combinaisons les plus variées et les plus ingénieuses, et d’où s’échappent ses longs cheveux très noirs, poudrés de mica et de poudre bleue. Derrière la tiare, d’où tombent deux grandes pendeloques en jayet blanc et en or pâle, descend un long voile de gaze noir bleu, avec des dessins formant des méandres compliqués et longs en perles d’acier bleu.

Couchée sur une grande peau de chien noir, madame la Lune porte les unes par-dessus les autres plusieurs robes de satin, dont la plus intime est gris-perle, et dont les autres deviennent de plus en plus claires, jusqu’à celle de dessus, qui est d’un blanc bleuâtre, et que serre une large ceinture gorge-de-pigeon, ornée de plaques de métaux pâles. À son cou brille un collier fait avec des yeux de hiboux, et elle est chaussée de petits souliers recourbés en cuir blanc, aux semelles d’argent, ornés de croissants en cuivre jaune.

— « Ah ! messieurs et chers poètes, dit-elle d’une voix endormie, l’aimable lac, avec son château féodal sur une roche, et son couvent de moines : il n’y manque rien ! C’est là que Lamartine a chanté Elvire. Qu’elle de-