Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/87

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— Mais, monsieur, dit de sa voix douce le jeune peintre israélite Artsa, qui jusque-là avait gardé le silence, occupé qu’il était à baiser les ongles roses de Laure Pignoche, nous voilà réunis en assez bon nombre d’honnêtes gens ; et à ce qu’il me semble, toutes les professions que nous exerçons consistent précisément à vendre ce qui ne doit pas être vendu ! »


XLIV. — DEUX POLICHINELLES

Beaux, riants, roses, joufflus, ravissants avec leurs blondes chevelures, leurs habits de velours et de soie, leurs blanches collerettes et leurs larges ceintures aux nœuds bouffants, les petits enfants assis sur les bancs regardent la Comédie, pleins d’une immense joie. Le Chat blanc, tout blanc comme la neige, hérisse sa moustache relevée comme celle du capitaine Matamore, et quant à Polichinelle, ivre, exalté, délicieux, féroce, il n’a jamais été si content que ce jour-là. Il est fendu comme un compas, il flambe comme un feu de la Saint-Jean ; son nez a l’air d’un rubis dans une fournaise, et avec sa bonne trique, il bat et rosse à tour de bras l’inexorable Commissaire. Pan ! pan ! pan ! il bat ses jambes, ses bras, son dos caverneux, et sur son crâne de bois il lui assène des coups furieux, qui font tressaillir