Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/137

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du XVIIIe siècle, enveloppait ce visage d’une nuée fauve ; les yeux, trop grands, couleur d’or bruni, encadrés par de larges sourcils rigoureusement droits et par une large frange de cils noirs, montraient dans leur pupille enflammée tout un ciel d’étoiles et d’étincelles magiques ; le nez droit, étroit, mais avec des narines ouvertes et baignées de lumière rose, accusait le plus pur type hébraïque, et légèrement inclinait vers l’aquilin sans rien perdre de sa grâce régulière. Les lèvres, coupées à l’autrichienne, d’une finesse inouïe aux extrémités, mais charnues, gonflées, écarlates de sang jeune ; savoureuses comme un fruit vivant, suscitaient dans l’esprit des poëmes de joie et comme une folie d’admiration sensuelle. La petite oreille, à peine entrevue sous le flot touffu de la chevelure, mais digne du plus beau buste grec, les rondeurs du menton coupé par une fossette pleine d’ombre, celles des joues où la pourpre du sang inondait de toute part les blancheurs argentées de la chair, accusaient une jeunesse enfantine et contrastaient de la manière la plus admirable avec le col, droit, large, d’une solidité héroïque, sur lequel posait la tête divine. Certes, s’il eût été possible de regretter quelque chose en face d’une peinture parfaite, on n’aurait pas pardonné au cadre implacable qui coupait brusquement là l’ineffable récit d’une telle enfance, mais cette tête seule était pour le regard une pâture inépuisable ; et d’ailleurs, qui n’eût deviné, en la voyant, le corps virginal de la petite nymphe, dansant sans doute au clair de lune dans les forêts sacrées, au son du luth, sur le gazon semé de pervenches et de violettes ? Comment ce rêve avait-il été fixé sur la toile ? c’est ce que je me demandais avec une véritable anxiété ; on l’eût dit dessiné, non pas avec des couleurs, mais réellement avec de l’imagination et avec