Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/207

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une position de valet qui fût une position honorable ? Il n’a guère jamais existé de lien bien sympathique entre les professions extrêmes. Si ce principe dut souffrir une exception, c’est seulement à propos des pairs de France et des marchands de peaux de lapins, et encore était-ce la toute-puissante fantaisie d’un humoriste qui avait rivé d’un trait de plume ces chaînes idéales ! Que faire de Jodelet ! Je m’y perdais.

Tout à coup j’eus une inspiration du ciel, un de ces éclairs qui, au moment des grandes batailles, illuminent d’une soudaine clarté le génie des capitaines.

J’avais trouvé mon affaire.

Messieurs, vous connaissez tous la marquise de T…, cette femme restée seule d’un grand siècle comme la figure vivante de la Courtoisie, cette grande dame qui fut aimée par un roi et par un poëte, et qui, presque centenaire, garde encore pour un historien à venir, les précieuses traditions de la politesse et des élégances françaises. Dès ce temps-là, la marquise m’honorait d’une amitié maternelle, et de tous les triomphes plus ou moins vides que j’ai dus à mon art, celui-là est le seul dont j’aie jamais été fier !

La dernière fois que je l’avais visitée dans son petit château de Bellevue, dans cette maison de briques roses peinte par Boucher, et où le grand Watteau lui-même a laissé tomber de sa palette radieuse quelques scènes attendrissantes et mélancoliques de son aventureuse élégie aux cent actes divers, j’avais trouvé la marquise très-triste. Les pieds sur ces tapis dont le moindre est un poëme comme L’Astrée, aux lueurs des torches voluptueuses, entourée de ces meubles contournés par les mains de la Grâce elle-même et sur lesquels les fleurs de marqueterie, déjà pâlissantes, se fanaient parmi les