Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/335

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ses pommes vertes ? Ignorez-vous que mes cinq musiciens lui ont déjà exécuté par trois fois l’ouverture du Jeune Henri et qu’il est temps de passer à d’autres exercices ? Par Bacchus ! un peu d’activité, je vous prie ; que les sonnettes fassent drelin drelin, et les cloches bimbam, et que mes comédiens paraissent !

Qu’ils paraissent vêtus de jaune-safran, de violet tendre et de bleu-ciel, dans les costumes traditionnels appropriés à leurs caractères et que mon poëte lui-même s’avance, avec son habit noir et son chef-d’œuvre. Et vous, astres, prêtez l’oreille !

Voici Pierrot, Arlequin, la Colombine toute pomponnée de rubans qui volent à la brise, et Cassandre, et la Fée avec son étoile de strass sur le front, et les gâte-sauce avec leurs pâtés, et les harengères portant les poissons de toile peinte, rembourrés de foin tout neuf, et voici, monté sur son chariot de pierreries à roulettes, attelé de deux colombes en bois découpé, l’enfant Amour indispensable aux féeries. Mais quoi, se moquent-ils du monde ? Pierrot, jadis plus blanc que les lis du jardin et les neiges de l’Himalaya, crève à présent dans sa peau. Il est rouge comme une pivoine, comme le feu d’un londrès bien sec, comme la carapace d’un homard cuit à point !

Doux et naïf Pierrot, où donc avez-vous volé ces couleurs écarlates ? Et toi, Arlequin, toi qui étais souple et gracieux comme un serpent du paradis d’Asie, toi qui brillais comme l’arc-en-ciel après un orage des tropiques, d’où te vient cet air triste et funeste, et pourquoi marches-tu ainsi le front courbé vers mon tréteau, comme un Arlequin prince de Danemark ?

Toi Colombine, ma colombe, ma colombelle amoureuse et folle, que signifient cette petite toux sèche et ces airs