Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bégueule ! Ainsi parle la fille d’Aristophane, et elle ne semble pas du tout satisfaite de ses acteurs changés en nourrice. Eux pourtant se défendent le mieux qu’ils peuvent avec la simple éloquence de leur cœur.

— Hélas ! madame, dit Pierrot, le diable sait que mes passions étaient bien innocentes. Voler le vin que la fée changeait, pour me punir, en fusée d’un sou, vider les tourtes de carton, pêcher à la ligne, et quelquefois manger des sangsues frites, tels étaient mes austères plaisirs ! Aussi rien ne troublait la sereine candeur de mon visage blanc comme la robe d’une épousée. Mais qui peut fuir son destin ? Pendant les relâches pour réparations à la salle, j’ai entendu les vers de l’École du bon sens et j’ai lu les romans réalistes, et tout de suite le rouge m’est monté à la face ! J’ai voulu savonner ce visage imprudent et lui rendre sa blancheur première. Bah ! lessive, potasse, savon-ponce, rien n’y a fait. Ce rouge est d’aussi bonne qualité que le noir des nègres ! mais aussi pourquoi ont-ils changé la règle des participes ?

Pour mon confrère Arlequin, il était la jeunesse, l’amour, la fantaisie, l’éclair de joie, le chérubin de Cidalise et le joujou des petites filles. Aujourd’hui toutes les qualités qu’il avait déplaisent fort aux dames ! Les mangeuses de pommes ne mangent plus de pommes : les filleules d’Ève n’aiment plus que ces petites images gravées sur acier, appelées fafiots à cause de leur frou-frou. Voilà pourquoi Arlequin-Hamlet fait des yeux blancs. Quant à mademoiselle Colombine…

— Oui, s’écria la déesse en faisant tintinnabuler ses clochettes, explique-moi un peu pourquoi Colombine est enrhumée du cerveau ?

Colombine elle-même prit la parole en baissant modestement ses grands yeux assassins, frangés de cils