Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/337

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noirs. Non, par Rabelais ! ce n’était plus là la demoiselle si alerte à se sauver en compagnie de son cher don Juan, à travers les guérets tout frissonnants d’épis d’or, et à travers des cabarets où l’on boit le vert Suresne. La pauvre Colombine toussait à fendre l’âme des pierres, et sur ses pommettes brillait une triste-lueur de sang.

— Chère madame, murmurait-elle, j’ai été heureuse, j’ai été folâtre ; je ne trouvais pas assez de moulins pour jeter mes bonnets par-dessus ! Mais prenez pitié de moi ! ils m’ont couverte de camellias, et je suis devenue insensiblement comme les camellias ; un jeune maître plein d’esprit, hélas ! m’a déguisée en fille de marbre, et il m’en est resté un froid de marbre qui m’a donné une fluxion de poitrine ; ils m’ont dit de tousser pour rire, et à présent je tousse pour tout de bon : voilà mon histoire.

— Oh ! voilà qui ne peut se soutenir, dit avec indignation la Comédie couronnée de raisins. Une Colombine poitrinaire ! un Pierrot sanguin ! un Arlequin avec du vague à l’âme ! Au moins, j’espère que mon poëte m’aura écrit une belle satire en dialogues. Nous y verrons quelque petit robin se faisant donner de gros cornets d’épices qu’il va manger avec les ceintures dorées, tandis que Madame ordonne à Toinon de laisser la porte de la rue ouverte pour un grand drôle à plumet rouge et à longue rapière !

Et, en tout cas, je suis certaine que l’on n’a pas pu me cacher mon Cassandre, si réjouissant avec son asthme, sa canne à corbin et son chef branlant. À défaut de ceux-là, j’aurai Cassandre !

— Oh ! déesse, répond le barbon, regardez-moi ; je suis bien changé ! Vous me croyez vieux ; mais je suis jeune comme un louis d’or. Vous me croyez bête ; je suis spirituel comme une liasse de billets de banque. Je suis