Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/43

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l’enveloppe ne contenait qu’un papier : l’acte de naissance d’Henriette de Lysle.

Pierre leva les bras au ciel.

— « Oh ! murmura-t-il, c’était donc vrai !

— » Eh bien ! oui, dit en entrant la gentille et pimpante Naïs, elle a cet âge-là ! Vous le savez : vous voilà heureux ! Sans compter que vous avez tout à fait agi comme un imbécile, en sacrifiant votre vie au spectre d’une ombre et à l’écho d’un murmure ! Et qui vous consolera ? Ni moi ni d’autres, car on ne console pas d’une Henriette ! Tenez, j’ai vingt-trois ans, et vous le savez. Eh bien ! voici des rides, voici des cheveux qui s’éclaircissent ; mais Henriette était, non pas une jeune femme, mais la Jeunesse même ! Sculpteur et statue, elle s’était faite divine après que Dieu l’avait faite belle ! Celui qui a dit le premier : On a l’âge qu’on parait avoir, a dit là une grande naïveté ; il fallait écrire en lettres d’or : On a l’âge qu’on a la puissance et la vertu de se donner. Mais vos cœurs battent pour des papiers timbrés ! Pourquoi n’allez-vous pas aussi demander à Lamartine s’il ne se sert pas d’un Dictionnaire des rimes ? Car vous voulez tout savoir ! Eh bien ! sachez donc ce que faisait Henriette quand vous ne la sentiez pas à vos côtés : à quatre heures du matin, en janvier, comme Diane de Poitiers, elle se baignait dans l’eau froide, pour rendre sa beauté pure et immortelle. »

Pierre Buisson a vendu au bouquiniste du passage des Panoramas ses livres, ses chères éditions de prix aux reliures princières, et maintenant il vit dans le cabinet de toilette qu’Henriette avait fait faire chez lui ; là, silencieux, les yeux fixés sur les peignes d’écaille et d’ivoire qui ont touché la chevelure de son amie, et sur les blondes éponges qui lui donnaient le baiser glacé des eaux vives, il tâche d’apprendre la Sagesse.