Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/47

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de Perthuis, dont les excentricités occupaient si fort les nouvellistes de la Restauration, et qui mérita plus que jamais sa réputation en avantageant d’une grande fortune cette enfant, dont la paternité lui était fort contestée par les événements eux-mêmes. Le vicomte de Perthuis mourut de la goutte comme Valentine entrait dans sa seizième année, et la jeune fille se trouva du même coup riche et tout à fait libre, car sa mère, la célèbre comédienne Madeleine Verteuil, dont les succès avaient pu tenir en échec pendant quelques années ceux de madame Menjaud et ceux de mademoiselle Mars, n’était plus alors qu’une coquette surannée, retirée du théâtre et accaparée par le culte des perruches. N’ayant pu assembler deux idées au temps de sa gloire, elle était trop occupée alors à relire dans les almanachs des Muses et des Grâces les madrigaux qui avaient célébré sa jeunesse, pour faire la moindre attention à sa fille. D’ailleurs mademoiselle Madeleine Verteuil avait été nourrie dans les principes de l’ancien théâtre et avait professé dans sa vie la plus grande indulgence pour les amourettes et pour « tout ce qui relève de la galanterie. »

Logiquement, Valentine aurait donc dû se laisser voler son cœur et le reste par le premier maître de clavecin un peu hardi ; mais le hasard en décida tout autrement. Elle éprouva un amour sérieux pour un jeune officier nommé Émile Levasseur, âme candide et loyale dans un corps de bronze, et cette passion promenée pendant trois mois au milieu de toutes les fêtes et de toutes nos campagnes verdoyantes, fut une des plus aimables élégies parisiennes de l’été de 1857. Émile partait pour rejoindre son régiment à Saumur, et devait solliciter le plus tôt possible un nouveau congé pour revenir conclure son mariage avec Valentine.