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Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/48

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Souvent celle-ci redisait en longues confidences à son amie intime Mariette (que nous avons depuis applaudie au théâtre du Vaudeville) toute l’extase dont son âme débordait. — « Oh ! chère Marie, s’écriait-elle, s’il fallait perdre mon Émile, je mourrais, car par qui serais-je aimée ainsi avec la confiance d’un enfant et avec cet ineffable tendresse ? Il me semble que son souffle est ma vie, et je voudrais passer des heures à le contempler à genoux ! »

Aussi mademoiselle Mariette fut-elle assez vivement étonnée de ce qu’elle vit de ses yeux, un mois juste après le départ d’Émile Levasseur. C’était, je crois, à un bal d’artistes, chez mademoiselle Léontine Berlin, rue Tronchet. Suffoquée par la chaleur et toute déchevelée à la suite d’une valse très-ardente, Mariette avait cherché seule un petit boudoir où elle voulait se remettre un peu et rarranger ses belles boucles de cheveux d’or. Elle croyait bien sincèrement ne trouver personne dans cette oasis de soie de la Chine, mais elle avait compté sans le poëte Henri B… qui était occupé là à dire les plus jolies choses du monde, tout en soutenant une jeune fille à demi renversée et pâmée dans ses bras. Mais quel fut l’étonnement de Mariette en reconnaissant la fille de mademoiselle Verteuil !

Henri B… s’était esquivé en homme habile à ménager les transitions. Valentine tomba en pleurant et en sanglotant dans les bras de son amie, et la couvrit longtemps de baisers et de larmes avant de pouvoir parler.

— « Écoute, Marie, lui dit-elle enfin, tu me méprises ! apprends donc mon affreux secret ! Tu as entendu parler comme moi de femmes au sang glacé, dont l’esprit et l’imagination seuls vivent, mais dont le cœur ne palpite