Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/81

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jamais. Mais voyons, cherche-moi d’abord de l’eau-de-vie et une robe de chambre, et un cigare, et des pantoufles ! et puis causons.

Et lorsque Euphrasie eut obéi, Emmeline reprit :

— Écoute-moi, grande sotte, et ne réponds rien, tu dirais des choses inutiles ! On ne m’a pas donné ça, parce qu’on ne donne rien, mais je l’ai acheté, parce que j’achète tout ce que je veux ! Maintenant, je ne viens pas te le rendre, je viens te le vendre ; je ne t’aime pas, moi, je n’aime personne.

— Mais, balbutia Euphrasie, je n’ai plus rien, il m’a tout pris !

— Enfin ! dit Emmeline avec un profond soupir, décidément elle est bête ! Innocente que tu es (et elle s’enveloppait d’une fumée épaisse !), il paraît que tu as quelque chose encore, puisque je viens t’offrir de la marchandise, et tu sais une chose, c’est que je ne fais pas partie de la société du doigt dans l’œil.

— Eh bien, parle, je ferai tout ce que tu voudras !

— Parbleu ! je l’espère bien ; mais je t’en supplie, tâche de comprendre. Vois-tu, je sais tout, j’ai le flair de l’instinct et le génie de toutes les affaires ; je compte comme Rothschild, j’ai de la glace dans les veines, et je me soucie des hommes et des femmes autant que de ça ! Par malheur, je vais sur mes quatorze ans (on n’est pas parfaite !) et ma mère m’ennuie ; ma mère, vois-tu, a une maladie, son garde municipal qu’elle veut épouser ; seulement, voilà ce que je n’aime pas, elle veut l’épouser avec les immenses capitaux que j’ai déjà réunis. Eh oui ! ne t’étonne pas, tu penses bien que si je fais l’enfant avec tous ces birbes, ça ne peut pas être pour le roi de Prusse !

— Mais, objecta Euphrasie Godevin un peu rassurée