Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/115

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Blin de Saimore, adressez-vous à l’homme dont le nom seul signifie Esprit, à celui qui, lorsqu’il n’écrivait pas en vers, semblait de ses ardentes lèvres jeter des rayons et des étincelles, au grand diseur, au grand inventeur de mots que tout homme d’esprit imite et copie encore aujourd’hui, à Chamfort ! et voyez si dans sa tragédie de Mustapha et Zéangir il se montre bien supérieur à l’auteur d’Orpkanis !


Eh quoi ! vous l’ignorez ?… Oui, c’est moi seule, Osman,
Dont les soins ont hâté l’ordre de Soliman.
Visir, notre ennemi se livre à ma vengeance.
Le prince, dès ce jour, va paraître à Byzance ;
Il revient ; ce moment doit décider enfin
Et du sort de l’empire et de notre destin.
On saura si toujours puissante, fortunée,
Roxelane, vingt ans d’honneurs environnée,
Qui vit du monde entier l’arbitre à ses genoux,
Tremblera sous les lois du fils de son époux ;
Ou si de Zéangir l’heureuse et tendre mère,
Dans le sein des grandeurs achevant sa carrière,
Dictant les volontés d’un fils respectueux.
De l’univers encore attachera les yeux.

Champfort. Mustapha et Zéangir, tragédie. Acte I. Scène I.


À l’aide de quels liens l’heureuse et tendre mère d’un fils respectueux espère-t-elle attacher les yeux de l’univers ? Voilà ce qu’il faudrait savoir. Ô rare et prodigieux triomphe des impuissants, des envieux et des imbéciles ! Avoir fait