Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour un poëte de génie, — et il y a des poëtes de génie dans tous les temps, — car aujourd’hui seulement nous savons ce que doit être et ce que ne doit pas être un poëme épique. Et, à ce propos, une question se pose naturellement :

peut-on et doit-on lire la henriade ?

Si l’on est assuré de bien savoir faire les vers et de posséder tout à fait son instrument, alors, mais seulement alors, oui, on peut, si on en a la patience, et même on doit lire La Henriade, pour apprendre en une seule fois, au point de vue de l’invention, de l’histoire, du merveilleux, des épisodes, des caractères et du style, tout ce que ne doit pas être un poëme épique.

Un préjugé longtemps répandu en France a voulu que le poëme épique dût être écrit en vers alexandrins à rimes plates, pour rappeler les hexamètres de l’Iliade et ceux de l’Énéide. Une pareille opinion ne repose absolument sur rien. Sans parler de la Jérusalem délivrée, des Lusiades et du Roland furieux, qui sont écrits en strophes, de La Divine Comédie qui est écrite en terza rima, et, pour nous borner à la France, notre véritable épopée nationale, La Chanson de Roland, est écrite en vers de dix syllabes avec la césure placée après la quatrième syllabe. « Le vers de dix