Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/149

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était pris dans sa vraie religion, il retrouva nécessairement la vraie forme tragique. D’ailleurs, il avait bien senti en lui-même combien la poésie l)nrique est une partie nécessaire de la Tragédie, et si ses deux poëmes sacrés sont les seuls que coupent de divines strophes chantées, du moins il ne manqua jamais, dans les autres, d’atténuer l’horreur du drame par des élans de lyrisme qui suppléent, autant que cela est possible, a la strophe absente. Mais dans les chœurs d’Esther, il retrouve, anime, réveille délicieusement de son long sommeil l’harmonieuse, la gémissante lyre de Sophocle et d’Euripide.


UNE ISRAÉLITE, SEULE.


Pleurons et gémissons, mes fidèles compagnes ;
    À nos sanglots donnons un libre cours ;
     Levons les yeux vers les saintes montagnes
     D’où l’innocence attend tout son secours.
                    Ô mortelles alarmes !
Tout Israël périt. Pleurez, mes tristes yeux :
       Il ne fut jamais sous les cieux
       Un si triste sujet de larmes.


TOUT LE CHŒUR.


                     Ô mortelles alarmes !


UNE AUTRE ISRAÉLITE.


N’étoit-ce pas assez qu’un vainqueur odieux
De l’auguste Sion eût détruit tous les charmes,
Et traîné ses enfants captifs en mille lieux ?