Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/154

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Les ennemis de Dieu pompeux et tlorissans ;
Il étale à son tour des revers équitables
               Par qui les grands sont confondus,
               Et les glaives qu’il tient pendus
               Sur les plus fortunez coupables,
               Sont d’autant plus inévitables
               Que leurs coups sont moins attendus.

Corneille. Polyeucte. Acte IV, Scène II.


Indépendamment des monologues en strophes (et ceci demanderait toute une étude spéciale), Corneille, dans les moments où la passion arrive à son apogée et veut pour expression quelque chose qui remplace le chant, coupe son dialogue d’une manière régulière, avec des répliques égales, qui, pour ainsi dire, se font pendant l’une à l’autre, et donnent tout à fait l’équivalent de la forme lyrique. Ce procédé est emprunté aux comédies primitives du vieux théâtre français, qui, dans ce cas, admettent même le vers refrain, revenant plusieurs fois de suite, ce qui donne au dialogue une saveur imprévue et une grâce étrange. On en trouve dans les pièces de Corneille, et surtout dans Le Cid, de nombreux et admirables exemples :

le comte.
Ce que je méritois, vous l’avez emporté.
don diègue.
Qui l’a gagné sur vous l’avoit mieux mérité.