Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/186

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je vais donner un exemple, tiré de ses Contemplations. Mais en commençant ce petit livre qui sera si incomplet et si imparfait, j’ai accepté le dur et cruel devoir d’être sincère :


Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait : « Jouez, mais je défends
« Qu’on marche dans les fleurs et qu’on monte aux échelles. »

Abel était l’aîné, j’étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit.
Que les femmes riaient quand nous passions près d’elles.

Nous montions pour jouer au grenier du couvent,
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent,
Sur le haut d’une armoire, un livre inaccessible.

Nous grimpâmes un jour jusqu’à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fîmes pour l’avoir,
Mais je me souviens bien que c’était une Bible.

Victor Hugo. Les Contemplations, Livre V, X.


Ces quatre prétendus tercets ne sont rien autre chose que deux strophes de six vers, dont chacune est coupée en deux morceaux, par un artifice typographique. — Autrement comment pourrais-je admettre que la première strophe soit liée par la rime à la seconde strophe, et que la troisième strophe soit liée par la rime avec la quatrième strophe, sans qu’il y ait aucun lien entre la seconde et la troisième strophe ? — Mais je n’insiste pas ; la chose est claire pour le lecteur, et combien plus pour mon maître !