Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/187

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Comme conquête de la poésie française sur l’art étranger, il faut encore citer, après les Terza Rima, la strophe de six vers adoptée par Alfred de Musset pour plusieurs de ses poèmes :


Comme dans une lampe une flamme fidèle,
Au fond du Panthéon le marbre inhabité
Garde de Phidias la mémoire éternelle,
Et la jeune Vénus, fille de Praxitèle,
Sourit encor, debout dans sa divinité,
Aux siècles impuissants qu’a vaincus sa beauté.

Recevant d’âge en âge une nouvelle vie,
Ainsi s’en vont à Dieu les gloires d’autrefois ;
Ainsi le vaste écho de la voix du génie
Devient du genre humain l’universelle voix…
Et de toi, morte hier, de toi, pauvre Marie,
Au fond d’une chapelle il nous reste une croix !

Alfred de Musset. Stances à la Malibran. Poésies nouvelles.


À la fois précis et infiniment libre, ce rhythme est très-beau, car il demande au poète un profond sentiment musical et une perpétuelle invention. La strophe de six vers est écrite sur deux rimes, et les six vers sont disposés entre eux au gré du poëte, selon les effets qu’il veut produire, à la seule condition que les trois vers qui riment ensemble né se suivront pas sans interruption, ce qui ôterait à la strophe tout son imprévu et toute sa variété. Ce sixain est la strophe des poèmes de Byron, moins les deux derniers vers, qui ne