bileté d’artiste en s’enfermant sans effort dans un cadre connu et défini.
Toutefois le Sonnet irrégulier a produit des
chefs-d’œuvre, et on peut le voir en lisant le plus
romantique et le plus moderne de tous les livres
de ce temps, — le merveilleux livre intitulé Les Fleurs du Mal. J’en détache deux Sonnets irréguliers, où l’on sentira la flamme et le souffle du
génie. Mais n’est-il pas étrange que le grand poëte
Charles Baudelaire ait fait un Sonnet irrégulier,
précisément pour affirmer la divine beauté de la
Règle ?
Sonnet — irrégulier, parce que les rimes des quatrains
sont croisées, parce que les deux quatrains sont écrits
sur des rimes différentes, et parce que le dernier vers
du premier tercet rime avec le dernier vers du deuxième tercet.
Un Ange furieux fond du ciel comme un aigle.
Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant : « Tu connaîtras la règle !
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !
Sache qu’il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tortu, l’hébété,
Pour que tu puisses faire à Jésus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charité.
Tel est l’Amour ! Avant que ton cœur ne se blase,
À la gloire de Dieu rallume ton extase ;
C’est la Volupté vraie aux durables appas ! »