Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/233

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taine, qui s’appliquait à perpétuer et à renouveler les poëmes marotiques, n’a plus trouvé les Rois et les Dieux assez vivants pour qu’il fût possible de ressusciter celui-là : que dirons-nous donc aujourd’hui !

Voici un des plus beaux Chants Royaux de Marot, qui en a composé plusieurs, de tout point admirables :


chant royal, chrestien.

 

Qui ayme Dieu, son règne et son empire,
Rien désirer ne doibt qu’à son honneur :
Et toutesfois l’homme tousiours aspire
A son bien propre, à son aise, et bon heur,
Sans adviser si point contemne ou blesse
En ses désirs la divine noblesse.
La plus grand’part appete grand avoir :
La moindre part souhaite grand sçavoir ;
L’autre désire être exempte de blasme.
Et l’autre quiert (voulant mieulx se pourvoir)
Santé[1] au corps et Paradis à l’âme.

Ces deux souhailz contraires on peult dire
Comme la blanche et la noire couleur ;
Car Jesuchrist ne promet par son dire
Ça bas aux siens qu’ennuy, peine et douleur.
Et d’autre part (respondez moy) qui est-ce
Qui sans mourir aux Cieulx aura liesse ?
Nul pour certain. Or fault-il concevoir
Que mort ne peult si bien nous décevoir

  1. Il y a ici un hiatus. Le règne de Ronsard et de la Pléiade n’est pas venu encore.