Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/249

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pensée du poëte devant sa VISION, et devant les spectacles de plus en plus vastes et multiples en lesquels elle s’est agrandie et détaillée.

Avec quel art M. de Gramont place à l’intérieur des vers des mots brillants, inattendus, étonnants, pour faire oublier que les mêmes mots reviennent toujours à la fin des vers ! Et ces mots inévitables, avec quel tact il les amène ! Avec quelle science il les éclaire de façons différentes et fait jouer sur eux et à côté d’eux la lumière ! Il réalise tous les effets que cherchent le musicien et le peintre ; et voyez, dans notre Sextine, avec ce seul mot VOLAGES il rend tous ces ondoiements et ces frémissements dans l’atmosphère visible qui sont la magie de la palette de Corot, ce demi-dieu du matin et du crépuscule !


Quoique tout soit possible, même l’impossible, je n’oserais conseiller à personne d’aborder après M. de Gramont ce poëme redoutable. Il me semble que sous d’autres mains que les siennes la Sextine ressemblerait à un bel Ange infirme ; car s’il y a de l’Ange dans son grand vol où toujours les ailes s’ouvrent plus grandes et s’enfuient plus loin, elle est cruellement retenue vers la terre par ces mots immuables rivés à ses pieds. Dans la poésie française, tel est l’avide appétit de la Rime