Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/276

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gon que lui reprochent justement ses contemporains les plus illustres.

Qu’est-ce que le jargon de Molière ?

Voici comment s’exprime le doux, l’indulgent Fénelon :

« Mais enfin (dit-il), Molière a ouvert un chemin tout nouveau. Encore une fois, je le trouve grand. Mais ne puis-je parler en toute liberté sur ses défauts ? En pensant bien, il parle souvent mal. Il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles. Térence dit en quatre mots avec la plus élégante simplicité ce que celui-ci ne dit qu’avec une multitude de métaphores qui approchent du galimatias. J’aime bien mieux sa prose que ses vers. Par exemple, l’Avare est moins mal écrit que les pièces qui sont en vers. Il est vrai que la versification française l’a gêné. Il est vrai même qu’il a mieux réussi pour les vers dans l’Amphitryon, où il a pris la liberté de faire des vers irréguliers. Mais en général il me paraît jusque dans sa prose ne parler point assez simplement pour exprimer toutes les passions. »

Fénelon. Lettre écrite à l’Académie Française sur l’éloquence, la poésie, l’histoire, etc.[1].
  1. Traités sur l’éducation des filles et Dialogues sur l’éloquence, par Fénelon, suivis d’une Lettre à l’Académie française et pré-