Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/293

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l’a fait Hugues Salel ; faisons nous-mêmes des Iliades ! Reprendre la tradition poétique à son aurore et la rendre vivante par une originalité tout actuelle, c’est le vrai, l’unique procédé pour produire des chefs-d’œuvre. N’est-ce rien que de l’avoir proclamé et prêché d’exemple ? Une telle vérité est en tout temps si audacieuse, si difficile à faire entrer dans les cerveaux rebelles, que les littératures périssent toujours du même mal, c’est-à-dire en retombant dans l’imitation des imitateurs. Quand tout est perdu, quand il n’y a plus rien, le poète, comme Antée, est sûr de retrouver toutes ses forces en touchant la terre de poésie, en demandant le principe de vie aux génies originaux. Homère! Pindare ! s’écrie le jeune Ronsard qui cherche un monde, et qui pourra tout au plus entrevoir le rivage du nouvel univers. Il écrira une Iliade impossible, des odes pindariques incomplètes et toutefois bien supérieures au jugement que les critiques ont porté sur elles ; mais il donnera une saveur homérique à ses élégies et surtout à ses sonnets, où il croit n’imiter que Pétrarque; mais il sera pindarique et lyrique dans ses odelettes amoureuses ; mais il aura dessiné une forme de grande strophe que le xixe siècle trouvera toute armée pour le combat. De la vieille poésie indigène il