Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/294

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ne laisse pas tout, bien loin de là ; il lui prend le trait naïf, la grâce familière, le tour rapide, mille qualités qui sont comme le duvet et la fleur de sa poésie brillante. Mais il demande à l’antiquité le secret d’un art qui, tout en prenant l’homme pour son sujet, n’en fait pas une figure isolée dans la nature vivante ; l’image renaît, le paysage, non pas copié chez les Latins ou chez les Grecs, mais vu et étudié directement par un observateur sensible au pittoresque, s’associe à la passion humaine ; avec la voix du chanteur le ruisseau gémit, l’arbre soupire, l’oiseau chante, et les soleils couchants, les rayons du jour, les aurores prêtent leurs flammes aux jardins émus où passent les belles Grecques, vêtues, à la façon du XVIe siècle, d’étoffes aux larges flots, retenues par quelque lien superbe. Les ors, les pierreries, l’azur du ciel, l’écarlate et la pourpre des fleurs apparaissent dans le vers en même temps que les lèvres et la chevelure de la bien-aimée auxquelles ils prêtent leurs vives couleurs, et animent ces descriptions où resplendissent à la fois une femme souriante et l’Éden verdoyant qui nous entoure. Comme dans la Léda de Vinci, l’hymen entre la nature et la race humaine est de nouveau consommé ; de l’embrassement qui unit une femme avec le cygne mélodieux va